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Convention sécurité du Labo des Idées, discours de clôture de Valérie Pécresse.

Voici le discours de Valérie Pécresse:

Le 29 septembre, Valérie Pécresse organisait à la Maison des Associations de Solidarité (13ème arrondissement de Paris), devant plus de 250 personnes et en présence de nombreux experts, la convention sécurité du Labo des idées. Au terme de 2 heures et demi de débat et d’échanges avec la salle, Valérie Pécresse a conclu la convention.

Seul le prononcé fait foi

Mes chers amis,

Depuis quelques semaines, sur le sujet de la sécurité, l’outrance et la polémique ont pris le pas sur le débat politique.

La sécurité ne doit pas être un prétexte d’affrontement politique, c’est une exigence qui doit nous rassembler. La garantir, c’est la première de nos obligations d’élus, que nous soyons de droite ou de gauche. Alors, il est grand temps qu’on puisse aborder les questions de sécurité avec le sérieux et la sérénité qu’elles méritent. C’est ce que nous avons fait ce soir et je tenais à vous en remercier, à remercier nos intervenants qui nous ont permis de prouver, ce soir, qu’un vrai débat était possible.

Oui, la sécurité mérite du sérieux et de la sérénité, parce qu’on ne peut plus entendre encore et toujours les mêmes discours répondre à chaque proposition formulée en matière de sécurité. Il faut en finir avec cette idéologie si française, qui nous dit qu’à travers la délinquance, notre société récolte ce qu’elle a semé.

Cette vision est absurde. Oui, la délinquance est pour une part un fait social. Mais cela ne fait pas d’elle une fatalité sociale. On peut l’analyser, on peut en comprendre les ressorts, on peut travailler à la prévenir. Mieux connaître pour mieux agir : partout dans le monde, c’est ce que font les chercheurs. Il n’y a qu’en France où, jusqu’il y a peu encore, étudier la délinquance, cela voulait dire faire le procès de la société.

Les forces de l’ordre, les élus et les scientifiques doivent travailler ensemble, pour mieux connaître la délinquance et lutter contre elle. C’est ce que Victor Goldsmith nous a montré ce soir : le succès de Rudolph Giuliani à New-York s’explique par l’alliance de la volonté politique, de la mobilisation policière et de l’analyse scientifique.

C’est cette alliance qu’il faut construire. La sécurité doit nous rassembler, pas nous diviser. Elle doit rassembler les pouvoirs publics, qui ont l’obligation d’unir leurs efforts pour agir au plus près du terrain. Elle doit rassembler les forces de police et de sécurité, qu’elles soient nationales, municipales ou privées, pour former un front commun contre la délinquance. Elle doit rassembler la police, la justice et l’administration pénitentiaire, qui sont les trois maillons d’une seule chaîne, qui ont chacun leur rôle et chacun leur place, tout comme la protection judiciaire de la jeunesse.


C’est pourquoi, à l’issue des débats de ce soir, la première des idées que je retiens, c’est que nous devons bâtir un pacte de sécurité Etat-régions.

 

Parce qu’une politique de sécurité, aujourd’hui, ça se construit à l’échelle d’un territoire. Le Grand Paris de la sécurité le montre : la police d’agglomération, au fond, c’était du bon sens. La police s’arrêtait à la frontière du périphérique quand les délinquants, eux continuaient tranquillement leur route. Ca n’avait pas de sens.

Alors, maintenant, la balle est dans le camp de la région : à elle de jouer le jeu et de concevoir une vraie stratégie de sécurité en partenariat avec l’Etat. Elle a les moyens de le faire : d’abord, parce qu’elle a un budget « sécurité » – c’est la droite qui a obtenu sa création, même si, depuis, ses crédits ont fondu. A la région de l’utiliser pour financer la vidéosurveillance, en commençant, cher Alain Winter, par les lieux où elle est la plus utile et la plus efficace : je pense aux espaces clos, dans les transports, dans les centres commerciaux ou bien encore pour sécuriser des maisons de santé situées dans des zones isolées.

La région pourrait aussi aider les communes qui le souhaitent à créer une police municipale, en les aidant à financer l’investissement de départ. Elle finance déjà des commissariats de police nationale. Elle devrait financer aussi des commissariats pour les polices municipales. Certaines communes n’ont pas les moyens de les construire – eh bien, la région pourrait les y aider, à la condition que ces forces de police s’intègrent dans une vraie stratégie régionale de sécurité, une stratégie qui devrait être coordonnée par la région en partenariat avec l’Etat.

Car la région, c’est la bonne échelle pour définir une vraie politique de sécurité, analyser les besoins territoire par territoire et mieux répartir les forces de police pour qu’on les trouve là où elles seront le plus utiles. C’est ce qui se fait désormais à Paris et en petite couronne : ce modèle, nous devons nous donner les moyens de le développer et de le généraliser.

Depuis quelques mois, on entend à nouveau une petite musique bien connue : « si on recrutait plus de policiers, tout irait mieux, tout est question de moyen ». Eh bien, je vous le dis : plus d’effectifs, ça ne donne pas automatiquement plus de sécurité. Parce que la vraie question, c’est de savoir ce que l’on fait de ces policiers supplémentaires – je pense à toutes les tâches indues qui les mobilisent encore, comme les transfèrements – et surtout, où on les met. Les vrais choix sont là.

Et c’est pourquoi, dans toutes les régions, nous avons besoin de cette stratégie globale. Pour la définir, un dialogue systématique doit s’instaurer entre les présidents et les préfets de région, avec à leurs côtés des préfets délégués à la sécurité dont la seule mission serait la coordination des forces à l’échelle de la région.

Avec la police d’agglomération en Ile-de-France, c’est une petite révolution qui a commencé sous l’impulsion du Président de la République. Elle doit trouver son pendant du côté de la région. Il faut des élus qui aient une vision globale, des élus capables de discuter d’égal à égal avec l’Etat, mais aussi avec leurs pairs.

Et ça veut dire par exemple des préfets et des élus qui s’engagent pour accueillir les policiers dans de bonnes conditions. En Ile-de-France, on le sait mieux qu’ailleurs : c’est dans notre région que les jeunes policiers sont la plupart du temps affectés pour la première fois. Et pour eux, c’est plus qu’un déracinement, c’est un choc. Ils ne sont pas toujours préparés à ce qui les attend et, bien souvent, ils n’ont qu’une seule envie : repartir.

Alors, si l’on veut des policiers qui connaissent le terrain, il ne suffit pas de parler de proximité, il faut convaincre les policiers de rester en Ile-de-France. Et ça passe, par exemple, par un effort pour les loger dans de meilleures conditions. Il existe un moyen pour ça : c’est le contingent préfectoral. Il est aujourd’hui largement mis à contribution pour le droit au logement opposable. Eh bien, je souhaite qu’il se double d’un droit au logement opposable pour les policiers, en augmentant si nécessaire la part du contingent réservée aux fonctionnaires.

Avoir une vision globale, pour la région, ça veut aussi dire une autre chose : on ne peut plus continuer à ignorer qu’à côté de la police et de la gendarmerie, il y aussi des forces de sécurité privée, qui assument des missions de plus en plus essentielles. Alors, bien sûr, on peut dire qu’elles n’ont pas leur place dans le paysage, que la sécurité, c’est l’Etat et qu’il faut remplacer les vigiles dans les centres commerciaux par des policiers en tenue.

C’est ce que pensent certains. C’est leur choix. Ce n’est pas le mien : la sécurité privée répond à un besoin, un besoin auquel les pouvoirs publics ne pourront pas répondre seuls. A l’échelle nationale, il y a désormais un délégué interministériel à la sécurité privée. Eh bien, à l’échelle régionale, il faut adopter la même logique : plutôt que de laisser de côté la sécurité privée, avec tous les risques de dérive que cela comporte, il faut construire entre les forces publiques et privées une vraie culture commune, avec une assise déontologique et juridique solide.

Et là encore, la région pourrait donner l’impulsion grâce à sa compétence « formation ». Chaque année, des centaines d’adjoints de sécurité finissent leur contrat avec l’Etat. Sur le terrain, ils ont acquis une vraie expérience et de vraies valeurs de service public : ils ont beaucoup à apporter à la sécurité privée, qui est prête à les accueillir.

C’est pourquoi la région devrait appuyer les efforts du Ministère de l’Intérieur et cofinancer un vraie formation-passerelle pour les adjoints de sécurité en fin de contrat : ils valideraient ainsi leur expérience et compléteraient leurs acquis, avant de rejoindre la sécurité privée avec un diplôme reconnu et de vraies perspectives d’évolution.

L’Ile-de-France doit devenir une région-pionnière et construire une vraie filière des métiers de la sécurité, par exemple autour d’un grand campus des métiers de la sécurité à Melun : avec l’école des officiers de la gendarmerie, avec les cursus juridiques proposés par Paris-2, tout est déjà en place. Il suffirait d’y adosser des formations aux métiers de la sécurité pour voir émerger cette filière et cette culture commune dont nous avons besoin.


Cette réunion de toutes les forces, nous devons la mettre au service de politiques de prévention active. Et cela passe d’abord par quelque chose de très simple : connaître la délinquance pour mieux la prévenir. Dans notre pays, on en est encore très loin. Bien sûr, il y a quelques travaux pionniers, comme ceux de Sébastian Roché ou ceux de l’ONDRP, que nous a présentés Christophe Soullez.

 

Mais ils restent bien rares, tant les résistances sont et demeurent fortes. Trop souvent, on préfère se voiler la face, par peur de ce que l’on va découvrir, par peur de dire clairement et précisément ce que tout le monde sait plus ou moins intuitivement. Je pense aux statistiques de la délinquance : aux Etats-Unis, dans toutes les grandes villes, elles sont disponibles en ligne, commissariat par commissariat, parfois en temps réel.

Eh bien, en France, on a construit un site, Cartocrime. Ce fut un long combat. C’est un très bel outil. Mais il est bridé : le niveau le plus fin proposé, c’est celui du département. C’est absurde : d’un quartier à l’autre, d’un arrondissement à l’autre, nous le savons tous, la délinquance n’est pas la même. Ici, ce sont les atteintes aux biens qu’il faut combattre. Là, les violences sexuelles. Et encore ailleurs, la violence gratuite.

C’est pour ça qu’il faut construire un Cartocrime commissariat par commissariat : non seulement on informera les citoyens, ce qui est la moindre des choses ; mais surtout, on aura enfin les moyens de savoir ce qui se passe dans tel ou tel quartier. Et on pourra réagir intelligemment : parce que des vols à la tire et des violences sexuelles, ça n’appelle pas même la même réponse.

Connaître la délinquance, c’est se donner les moyens de lutter efficacement contre elle. Comprendre l’explosion des vols avec violences dans le métro ou le RER, par exemple, c’est savoir que ces agressions sont liées aux vols de portable, et notamment ceux de la toute dernière génération. Pour les prévenir, il faut faire ce que l’on a fait, il y a dix ans, pour lutter contre les vols de voiture, qui étaient devenus la norme : créer des systèmes antivol. C’est ce que fait la LOPPSI, en prévoyant un blocage automatique et systématique du portable en cas de vol, pour le rendre inutilisable. Et donc sans intérêt pour le voleur.

C’est ça, la prévention active : c’est repérer les facteurs de risque et agir. Je pense à la multivictimation, parfaitement prévisible pour certains délits, comme les cambriolages : quand vous vous êtes fait cambrioler une fois, vous avez toutes les chances d’en être victime une deuxième fois.

Et ça, c’est insupportable : ce qu’on peut prévoir, on se doit de l’empêcher. La pire des stigmatisations, c’est de s’enfoncer dans un parcours de victime. C’est ça qui nourrit le sentiment d’abandon. Il faut y mettre un terme. Nous devons tous unir nos forces autour d’un diagnostic objectif et dépassionné.

Et c’est pourquoi je ne comprends pas que les études de sécurité publique prévues par la loi soient si souvent bloquées dans les opérations de rénovation urbaine. Que les architectes se rassurent : l’œil du policier ne viendra pas brider leur imagination ; il évitera simplement que le rêve ne tourne au cauchemar en éliminant d’emblée tout ce qui crée des situations à risque.

C’est la même chose pour les audits de sécurité réalisés dans les établissements scolaires, et notamment dans les lycées : la région doit en tirer toutes les conséquences et engager au plus vite tous les travaux nécessaires, en y associant tous les élus concernés.

Mais la plus active des préventions, c’est d’abord celle qui stoppe pour de bon les parcours qui conduisent à la délinquance. A chaque jeune qui est sur la pente glissante, il faut offrir une solution adaptée. L’exclusion est la pire des sanctions : car un jeune hors de l’école est livré à lui-même, il trainera dans les rues et le remède sera pire que le mal.

C’est pourquoi il faut développer les internats de réinsertion scolaire, voulu par le Président de la République : la formation est la meilleure des armes contre la délinquance, mais une formation proposée dans un cadre adapté.

C’est vrai pour les jeunes soumis à l’obligation scolaire. Mais c’est vrai aussi pour les 16-18 ans, ceux que l’on retrouve bien souvent dans les lycées professionnels et qui, là aussi, deviennent très vite des perturbateurs. On ne peut pas se contenter de les exclure : il faut les orienter vers des établissements adaptés, sur réquisition du juge. Pour ceux-là, nous devons créer des internats de réinsertion professionnelle, pour maintenir le lien avec la formation. Et c’est aux régions qu’il reviendra de les financer.


Mais la prévention, aussi active soit-elle, ne suffira pas sans une sanction adaptée, rapide et certaine. Les études le montrent, la délinquance recule face à une sanction crédible. Ceux qui en doutent n’ont qu’à se pencher sur notre politique de sécurité routière : du jour où on s’est mis à sanctionner systématiquement les excès de vitesse, les conducteurs ont changé leurs habitudes.

 

Car rien n’encourage la délinquance comme l’impunité. Et nous avons aujourd’hui un problème majeur, notamment en Ile-de-France. A Paris et en petite couronne – ce sont les chiffres de la préfecture de police – que je cite là, il y a 11 500 personnes qui ont été mises en cause au moins 50 fois par la police. Des quartiers entiers vivent au rythme de la détention de ces 11 500 individus. Quand ils sont dedans, la paix revient. Quand ils sont dehors, les ennuis recommencent.

Et pourtant nous avons la chance, là aussi, de figurer au rang des régions pionnières : l’exécution des peines est devenue l’une des priorités du Grand Paris de la sécurité, avec l’extension à l’ensemble de la petite couronne du champ d’intervention du service d’exécution des décisions de justice.

Notre objectif, c’est 100 % de peines exécutées. Et pour y arriver, je veux qu’on généralise et qu’on mobilise des services d’exécution des décisions de justice, pour qu’ils retrouvent les condamnés qui sont encore en liberté.

Car si les délinquants se retrouvent si souvent dehors, c’est que nos prisons sont saturées. Le résultat, ce sont des aménagements de peine prononcés à tour de bras et des juridictions d’application des peines qui n’arrivent plus à suivre.

On en est même arrivé, aujourd’hui, à poser dans la loi le principe d’un aménagement de peine systématique en dessous de deux ans de prison ferme. Deux ans de prison ferme. Quand on sait ce qu’il faut avoir fait pour être condamné à une telle peine, cela laisse songeur. Et pourtant, vous l’avez dit, cher Xavier Bébin, 82 000 peines de prison sont toujours inexécutées.

Nous sommes au bout du système. La gestion de la surpopulation carcérale ne peut pas tenir lieu de politique pénale.

Des décisions s’imposent. La première, c’est de créer un nouveau type de peine ou une nouvelle forme d’aménagement de peine, le placement-éloignement, destiné à ces délinquants qui ont été arrêtés des dizaines et des dizaines de fois. Car l’essentiel, c’est de les éloigner des quartiers dans lesquels ils sévissent. Pour cela, il faut prévoir des établissements spéciaux, des centres de semi-liberté ou des prisons sans barreaux qui seront éloignées de 100 kilomètres au moins de leur commune. Et grâce au bracelet électronique, on pourra vérifier.

Entre le travail d’intérêt général et la prison, nous avons besoins de nouvelles peines, qui utilisent enfin toutes les potentialités du bracelet électronique, et notamment du bracelet géolocalisé.

Enfin, nous devons revenir sur le principe d’un aménagement de peine systématique en dessous de deux ans de prison. Il faut arrêter de creuser le fossé qui sépare la peine prononcée de la peine exécutée.

Ce fossé mine l’autorité des magistrats, qui sont les premiers à l’avoir dénoncé. Et il rend incompréhensible la peine pour les citoyens, qui n’arrivent pas à saisir par quel miracle 6 mois fermes se transforment en un travail d’intérêt général. La seule solution, c’est d’aménager la peine dès son prononcé. Et il faut s’en donner les moyens : cela veut dire investir massivement dans le bracelet électronique, mais aussi construire de nouvelles places de prison.

Et c’est la deuxième décision qui s’impose : il manque 10 000 à 15 000 places de prison ou de semi-liberté, des places qu’il faudra créer pour les majeurs, mais aussi pour les mineurs – car il est grand temps d’en finir avec ces quartiers pour mineurs qui ne sont séparés qu’en apparence du reste de la prison.

Cela demande de la volonté, mais on peut trouver des solutions : de nombreuses casernes ont été libérées par Hervé Morin – au moins 22 d’entre elles sont encore disponibles. On doit pouvoir les transformer en prisons ou en centre de semi-liberté.

Nous pourrons alors affronter un autre problème : celui de l’égalité devant la loi pénale. C’est un fait, aujourd’hui, la loi n’est pas la même pour tous. En Auvergne ou en Poitou-Charentes, on est sanctionné plus durement qu’en Ile-de-France, où les tribunaux voient défiler les délinquants à longueur de journée – par exemple pour des affaires de stupéfiants.

Et c’est normal : par définition, la répétition ne peut qu’influer sur la décision d’un juge, a fortiori quand il sait que, derrière, le système pénitentiaire ne suivra pas. Les jurés populaires n’ont pas toutes les vertus. Mais il y a une qualité qu’on ne peut pas leur enlever : c’est que leur regard est neuf. Et cela peut apporter énormément à une cour.

C’est pourquoi je souhaite que des jurés populaires siègent désormais au côté des magistrats dans les tribunaux correctionnels pour juger les infractions les plus graves, celles qui sont punies de 5 ans d’emprisonnement et plus. Je pense aux délits liés à la drogue, mais aussi aux violences aux personnes et aux violences sexuelles qui sont trop souvent correctionnalisées.


Mais réaffirmer l’importance de la sanction, ce n’est pas seulement chercher la sanction la plus efficace, celle qui dissuadera et évitera la récidive. C’est aussi, on a trop souvent tendance à l’oublier, rendre la sanction exemplaire aux yeux de la société – et d’abord aux yeux de la victime.

 

Vous le savez, elle est le parent pauvre de notre système pénal. Je souhaite qu’on lui reconnaisse un vrai droit à l’information, qui ira d’un bout à l’autre de la procédure et le cas échéant, jusqu’à la sortie de prison. Et je pense en particulier à l’après-procès : elle doit être informée de chaque étape du processus, elle doit savoir quand la peine a commencé à être exécutée et sous quelle forme. Comme elle doit savoir que le délinquant a été relâché, avant la fin de sa peine ou non.
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On ne peut plus avoir des victimes qui, en ouvrant leur porte, découvrent sur le palier celui qui l’a brutalisé, qui est sorti et qui est revenu se venger. Derrière la reconnaissance d’un droit à l’information de la victime, c’est aussi ça qui est en jeu.

Et j’irai plus loin : je veux qu’on reconnaisse à la victime un droit à l’exécution de la peine. Quand une décision pénale reste lettre morte, l’Etat est en faute. Cette faute doit être sanctionnée et le préjudice réparé. Car il y a bien un préjudice, un préjudice moral pour la victime à voir la décision qui lui rendait justice ne jamais recevoir aucune suite.

Je veux aussi le dire : il y a une chose à laquelle les victimes tiennent particulièrement. Elles veulent avoir la garantie que l’auteur des faits ne récidivera pas. Non par souci de vengeance. Non parce qu’elles auraient peur de représailles systématiques. Mais juste parce qu’elles veulent que leur souffrance ait au moins servi à cela : à éviter que d’autres ne soient victimes à leur tour.

Vis-à-vis des victimes et de la société tout entière, nous avons un devoir : celui d’explorer toutes les pistes pour éviter la récidive, notamment quand il s’agit des libérations conditionnelles. Nous devons explorer toutes les pistes, nous devons nous donner toutes les garanties.

Je pense à l’élargissement de la surveillance électronique mobile, mais pas seulement. Je pense aussi à tout ce qui peut compléter l’expertise psychiatrique, et notamment aux évaluations actuarielles de la dangerosité, largement utilisées à l’étranger et quasiment inconnues en France.

L’académie de médecine a souligné leur intérêt en juin dernier pour le cas des délinquants sexuels : il serait absurde de ne pas utiliser ces méthodes en complément de l’expertise. Surtout quand il s’agit de violences sexuelles, qui ne sont pas des violences comme les autres et qui demandent des garanties particulières.

Et cela peut passer par l’utilisation des traitements médicamenteux, que l’on appelle parfois « castration chimique ». Elle doit rester volontaire. C’est une question de principe. Mais elle doit être possible. C’est aussi une question de principe.

En France, elle en est encore et toujours à ses balbutiements, même si elle entre dans le champ de l’injonction de soins. Je crois qu’il faut passer à une approche plus rationnelle et plus transparente, en recensant les cas où elle a été utilisée et ses résultats. Et nous devons aussi réfléchir aux moyens de l’encadrer, en l’accompagnant d’un placement sous surveillance électronique mobile. Là encore, nous avons besoin d’idées neuves, qui demandent à être testées et expérimentées.

Car sur cette question centrale qu’est la sécurité, nous avons besoin de recherche, pour explorer des voies nouvelles et affiner notre compréhension des phénomènes de délinquance. Sur ce sujet, nous continuons à penser et à débattre comme si nous étions encore au XIXe siècle. Mais tout l’enjeu, c’est d’entrer dans le XXIe siècle, pour analyser la délinquance d’aujourd’hui avec des grilles d’analyse digne de ce nom.

Nous ne devons avoir peur ni de la recherche ni des nouvelles technologies : elles servent notre compréhension de la délinquance, et j’en suis convaincue, c’est elles qui nous permettront de sortir des polémiques stériles et des débats politiciens.


Et vous l’avez constaté tout au long de cette soirée, mes chers amis, sur les questions de sécurité, il y a de la place pour autre chose que des polémiques outrancières. Il est temps de faire preuve d’un peu de sérieux et de sérénité sur ces questions : et pour sa part, le Labo va continuer à s’y employer !

 

Je vous remercie.

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